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Sortir de l’euro ? Oui, mais à quel prix !

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Sortir de l’euro ? Oui, mais à quel prix !

par Yves-Marie Laulan

Sortir de l’euro ? La bonne blague. Il faut être vraiment à court d’idées pour ressortir cette vieille lune du placard à idées. Et pourtant l’éventualité d’une sortie de l’euro est  de temps à autre évoquée, avec le plus grand sérieux, par diverses personnalités politiques en mal d’inspiration. Il s’agit dans leur esprit  de sortir, sans douleur,  des difficultés inextricables dans lesquelles la France se débat depuis tant d’ années. On voit bien qu’elles ne se sont jamais donné la peine d’étudier sérieusement les conséquences économiques d’une telle décision.

C’est la raison pour laquelle il serait peut-être bon de tordre le cou, une fois pour toutes, à ce « canard » boiteux et cesser d‘entretenir le rêve d’une solution  miracle susceptible de sortir la France du pétrin dans lequel elle s’est imprudemment fourrée.

1° Soyons justes, et soulignons d’entrée de jeu les inconvénients majeurs de l’euro pour  notre pays. Ils existent bel et bien. En bref, l’euro nous condamne à la stagnation sans grand  espoir de sortie de crise, sauf sursaut national, bien improbable dans le contexte actuel. Pourquoi ?

Ses promoteurs naïfs y voyaient, en l’an de grâce 2 000 , un gage de stabilité monétaire   susceptible d’engager, de gré ou de force, la France dans un cercle vertueux à l’image de la sage Allemagne. Hélas, il n’en a rien été, tant la nature humaine, traduisons  le comportement des hommes, en l’occurrence celui des Français, se joue des stratagèmes institutionnels naïvement imaginé pour la domestiquer.

Car il est exact que  l’euro exerce une influence négative sur notre économie à deux niveaux. D’une part,  il dope artificiellement le prix de nos exportations, si bien que, faute d’une compétitivité suffisante, la France subit un très fort handicap à l’exportation. Ce dont  témoigne éloquemment un déficit commercial devenu quasiment chronique depuis une trentaine d’année (il tourne  aujourd’hui autour de 70 milliards par an).

En second lieu, l’euro exerce une sorte d’ effet anesthésiant  sur l’esprit des pouvoirs publics, et aussi du grand public. En effet, avec l’ancien franc, l’augmentation des prix internes et l’effondrement de nos ventes à l’étranger agissaient comme un signal d’alarme. Ils rendaient promptement obligatoire une dévaluation qui remettait les pendules à l’heure, au moins pour un temps.

Avec l’euro,  rien de tel. Il ne se passe évidemment rien sur le marché des changes. Il en va de même pour les taux d’intérêt.  Protégée par l’insolente bonne santé de l’Allemagne, qui agit comme une sorte de bouclier protecteur, la France est en mesure d’emprunter sur les marchés financier à des taux historiquement faibles, de l’ordre de 2 à 2,5 % . Ce qui donne aux pouvoirs publics une impression de sécurité parfaitement artificielle. Car ces taux ne reflètent évidemment pas  le véritable état de l’économie française. Ils agissent en fait comme un miroir déformant. En conséquence, la France accumule imperturbablement les handicaps avec une montée inexorable du chômage, le gonflement inquiétant de notre endettement et un déficit budgétaire quasi incontrôlable.

C’est très exactement le processus pervers dans lequel notre pays est aujourd’hui engagé sans pouvoir,  apparemment, s’en dégager aisément. Et ce n’est pas la politique d’atermoiements et de petits pas invisibles de François Hollande qui y changera  quelque chose. Alors sortir de l’euro et remettre l’économie française sur les rails ? Oui, mais quel en serait le prix à payer ?

2°° On observera au préalable que rien n’a été prévu dans le traité instituant l’euro pour permettre à l’un membre quelconque de cette union monétaire de prendre nuitamment la poudre d’escampette. Bien au contraire. Tout a été  construit comme si l’euro était coulé dans le  bronze ou devait rester gravé dans le marbre pour l’éternité.

Ceci étant, chacun sait que rien n’est éternel dans le monde des humains. Et après tout le franc  lui -même a connu diverses convulsion ne serait-ce qu’en 19 45, à l’issue de la guerre, ou, en 1958, avec l’arrivée au pouvoir   du général de Gaulle. Seuls le dollar américain et la livre anglaise sont restés fidèles à leur dénomination d’origine. Mais avec une valeur monétaire évidemment bien dégradée avec le temps. La valeur en termes de pouvoir d’achat du dollar de 2013 est un décile de celle du dollar d’il y a  100 ans.

Ceci étant, ll ne faudrait pas se bercer d’illusions. Si la France prenant unilatéralement la décision, grave, de quitter la zone euro, cette démarche ne manquerait pas de soulever le vif mécontentement   de ses partenaires, notamment celui  de l’Allemagne. Tant il est vrai que ce tremblement de terre monétaire pourrait bien fissurer l’édifice ou même provoquer sa ruine.

L’Allemagne ne nous le pardonnerait pas. En conséquence, il est fort probable que ce pays serait très vraisemblablement tenté d’adopter des mesures de rétorsions sévères, notamment dans le domaine commercial ou financier, ce dont nous serions évidemment les premières victimes. Le fameux « couple franco-allemand », à vrai dire déjà bien malade, serait désormais relégué au placard aux oubliettes Ceci  sans parler de nos autres partenaires européens qui seraient, à juste titre, profondément choqués par le  caractère unilatéral et cavalier de notre démarche.

3° En dehors  de ces considérations politico juridiques, il faut  bien voir que la sortie de l’euro ne serait   guère à notre avantage . Pourquoi ? Parce que, depuis la création de l’euro en 2000, la situation économique et financière de notre pays s’est considérablement dégradée, notamment sur le plan  du chômage et de l’endettement.

En l’an 2000, la France comptait 2,1 millions de chômeurs ; près de  de 3 millions de chômeurs aujourd’hui

En 2000, l’endettement public de la France était de  42 % du PNB ; 93 %   aujourd’hui.

En 2000, le déficit budgétaire était de   2,8 % du PNB ;  4,8 %  aujourd’hui  (chiffres 2012)

Il en résulte que la première  conséquence de la sortie de l’euro au profit d’un « franc nouveau » serait l’explosion de notre endettement extérieur.

En effet, on se souviendra que la valeur du franc exprimée en euro à la date de la création de cette monnaie, en l’an 2000, était fondée sur une parité de 1 euro = 6, 5559 francs et 1,955 DM (Deutchmark . Dès   lors, à quelle nouvelle parité fixer le rapport euro/ nouveau franc ? Compte tenu de ce qui précède, il faut inévitablement s’attendre à une forte décote par rapport à l’ancienne parité correspondant à une dévaluation de fait considérable..

Le montant de cette dévaluation serait fixé en laissant flotter le Nouveau franc (Nfranc) contre l’euro sur le marché des changes pendant une période assez longue afin de  déterminer une parité convenable. Compte tenu de ce qui précède, il serait raisonnable de prévoir une dévaluation de l’ordre  de 20 % au moins,  voire  peut-être  30 %. La nouvelle parité du franc contre euro serait donc fixée,  avec une décote de 20%, à 7,86 Nfrancs contre un euro, et à  8,52 Nfrancs pour un euro pour une décote de 30 %.

La dette française, aujourd’hui de  1900 milliards d’euros, serait donc augmentée dans les mêmes proportions et  atteindrait, mécaniquement,  exprimée en euros,  environ 2 280 milliards d’euros dans le premier cas, et  2 470 milliards d’euros dans le second.

Une deuxième  conséquence prévisible serait une forte poussée inflationniste quasiment impossible à maîtriser, pouvant aller jusqu’à 20 à 30 % l’an . La raison en est simple. La dévaluation du franc contre l’euro entraînerait inévitablement une hausse des prix à l’importation du même ordre, notamment  en ce qui concerne les prix de l’énergie.

Certes, on observerait en contrepartie, phénomène classique,  une baisse des prix à l’exportation qui devrait, en principe, améliorer la position française sur les marchés internationaux. Mais cette amélioration à l’exportation ne se produirait qu’avec un certain décalage dans le temps. Au surplus et surtout, il faudrait que l’industrie  française dispose d’une élasticité /prix convenable, c’est-à-dire qu’elle soit en mesure de réagir rapidement à l’augmentation de la demande étrangère. Or tout porte à croire qu’avec la désindustrialisation profonde de notre appareil productif, fâcheusement sclérosé, la France serait bien incapable d’augmenter significativement  le volume de  son offre, c.a.d. de  ses ventes à l’étranger

Bien plus, à une quantité  quasi identique   de nos ventes en volume correspondrait une valeur  fortement laminée par la diminution du taux de change. C’est ce que l’on appelle en termes savants la « détérioration des termes de l’échange ». Si bien  que le déficit extérieur de notre pays, loin d’être réduit, serait, en toute probabilité, encore creusé davantage,  une conséquence fort peu souhaitable dans l’état de nos finances extérieures.
Last but not least, cette dévaluation du franc provoquerait inévitablement un effondrement  de notre pouvoir d’achat et du revenu des ménages. Cette chute de la consommation entraînerait à son tour une forte baisse des recettes fiscales, notamment de la TVA, qui est, comme on sait, le cheval de bataille du financement du budget. Si bien que l’Etat également serait soumis à une diète insupportable ou condamné à emprunter à tour de bras pour financer un déficit toujours plus béant.

On le voit bien, à la lecture de cette grille d’analyse sommaire, il est illusoire d’aller chercher un remède commode à nos difficultés actuelles dans une hypothétique sortie de l’euro. Ce serait trop commode. Le remède risquerait d’être  pire  que le mal .

4° Si la France veut vraiment sortir de son marasme économique chronique, les remèdes sont archis connus et, au demeurant,  fort classiques : c’est réduire la dépense devenue obèse, de l’État : 56 % du PNB à l’heure actuelle ; allonger la durée du travail en faisant sauter le ridicule carcan  des 35 heures du à l’ineffable Martine Aubry ; améliorer la compétitivité de  la France par une modération salariale soutenue et la réduction des dépenses sociales grotesquement excessives :  chômage, santé, retraites.

Le modèle social de la France, l’Etat Providence tous azimuts, est un luxe que notre économe ne peut  plus nourrir. Tous les rapports des 30 dernières années, dont le dernier en date est celui de Louis Gallois, ne cessent de le rabâcher et de répéter les mêmes recommandations. Rien n’y fait.  Aucun n’a jamais connu un commencement d’application. Et l’économie française continue à dériver au fil de l’eau.

5° Le malheur veut que la sortie de l’euro, si elle était accompagnée d’une politique rigoureuse de remise en ordre, constituerait  un cocktail explosif dont les effets  ne seraient pas longs à se faire sentir. Il faudrait certes en attendre, d’ une part une amélioration spectaculaire de la position économique française sur le plan interne et externe. Mais elle serait, d’autre part, obligatoirement  accompagnée d’une non moins spectaculaire explosion  sociale alimentée par tous les mécontents touchés par ce remède de cheval, et ils seraient fort nombreux. En fait, aucun Français n’y échapperait, tant il est vrai que le déséquilibre économique français concerne directement indirectement toutes  les classes de la société, actifs comme retraités, malades et bien portants. Car il ne fait guère de doute que tous les Français sans exception  profitent directement ou indirectement du « mal français », comme aurait dit Alain Peyrefitte en d’autres temps[1], tout en en étant les victimes.

6° Dans un tel contexte, la sortie de l’euro serait un acte héroïque que les Français ne pourraient supporter qu’en cas de péril extrême, un cataclysme politique ou économique imminent. Cela  avait été le cas avec la fin de la guerre d’Algérie et la venue au pouvoir du général de Gaulle  qui avait permis, à l’époque, la création du nouveau franc associée à la remise en ordre dans la rigueur de l’économie française. Mais l’histoire «  ne repasse pas deux fois les plats », dit-on.

Ce n’est pas le malheureux François Hollande qui pourrait  s’aventurer à imiter  son illustre prédécesseur, sans prendre des risques politiques inconcevables. Ce n’est pas son style. À dire vrai, aucun homme ou femme politique dans son bon sens ne s’y risquerait guère. La sortie de l’euro donc rester pour ce qu’elle est : un argument aimablement démagogique  à usage des débats  électoraux dans le préaux des écoles du canton  de Trifouillis les deux Fontaines.

En bref, pour sortir de l’euro, il faut d’abord redresser la France. Mais pour redresser la France, il faut sortir de l’euro. Voilà le cercle infernal dont notre pays est prisonnier. Comment le briser ?


[1] Alain Peyrefitte, « Le mal français », 1976.

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